Qu’est-ce que la peinture à la détrempe ?
La peinture à la détrempe, que l’on désigne parfois sous le terme latin a tempera, est une technique ancienne qui consiste à mélanger des pigments colorés avec un liant à base d’eau, le plus souvent du jaune d’œuf, de la colle animale ou de la gomme. Contrairement à l’huile, qui devient prédominante en Europe à partir du XVe siècle, la détrempe reste privilégiée pour les grands décors muraux et les œuvres nécessitant un séchage rapide.
Son nom vient du verbe latin temperare qui signifie « mélanger avec mesure ». En effet, l’équilibre entre pigments, eau et liant était essentiel pour obtenir des couleurs stables et lumineuses.
Les origines de la peinture à la détrempe
La détrempe est utilisée depuis l’Antiquité. Les Égyptiens, les Grecs et les Romains l’employaient déjà pour décorer tombes, temples et palais. Au Moyen Âge, elle devient la technique de prédilection pour les icônes byzantines, les manuscrits enluminés et les retables gothiques.
Avant la généralisation de la peinture à l’huile, la détrempe domine la peinture européenne. Sa finesse et sa luminosité convenaient parfaitement aux intérieurs religieux comme civils.
La différence entre la détrempe et la fresque
Il est fréquent de confondre fresque et détrempe, car les deux techniques concernent la peinture murale :
- La fresque (du mot italien affresco) consiste à appliquer les pigments directement sur un enduit de chaux encore humide. La couleur se fixe en séchant, pénétrant dans le support. Cette méthode est durable mais exige une grande maîtrise et rapidité d’exécution : l’artiste doit peindre avant que l’enduit ne sèche.
- La détrempe, au contraire, s’applique sur un mur sec et préparé. Le liant organique (œuf, colle) fixe les pigments à la surface de l’enduit. Cette technique offre plus de souplesse, permet de revenir sur les motifs et favorise les retouches. En revanche, elle est plus fragile face à l’humidité.
En résumé, la fresque est une peinture « dans le mur », la détrempe une peinture « sur le mur ».
La peinture à la détrempe au château de Grigny
À Grigny, dans le Rhône, Jeanne du Clapier, veuve de Gaspard de Merle, fait construire vers 1624-1625 une élégante maison des champs, aujourd’hui l’hôtel de ville. Pour orner sa demeure, elle commande de somptueux décors peints à la détrempe.
Les peintures, redécouvertes par hasard en 1982 sous des lambris, représentent le plus vaste ensemble de ce type conservé dans la région lyonnaise. Elles couvrent la plupart des pièces du château et mêlent trompe-l’œil architectural, motifs floraux, oiseaux, brocarts imitant les soieries lyonnaises, et petites scènes inspirées de livres d’emblèmes flamands et hollandais.
Une technique rapide et efficace
Pour travailler plus vite et éviter les erreurs, les peintres ont eu recours à des pochoirs et des tampons afin de répéter certains motifs de salle en salle. Cette pratique explique l’uniformité de certains décors tout en garantissant une production soignée et harmonieuse.
Un décor raffiné et humaniste
Les frises et scènes historiées, souvent accompagnées de devises, s’inspirent de recueils illustrés diffusés dans l’Europe savante du XVIIe siècle. Ces décors ne sont pas de simples ornements : ils reflètent la culture humaniste et la mode des « maisons des champs », où l’art devait à la fois charmer et instruire.
La peinture à la détrempe, héritière de techniques antiques et médiévales, a connu un nouvel essor au XVIIe siècle dans les demeures de plaisance. Au château de Grigny, elle offre encore aujourd’hui un témoignage exceptionnel de l’art décoratif lyonnais du Grand Siècle. Fragile mais éclatante, cette technique continue de fasciner par sa vivacité et la richesse des univers qu’elle déploie sur les murs.